ULM    Limites
          N'allons pas jusqu'à nos limites

Il y a 4 ans, j'écrivais dans ULM INFO :
Le vol, c'est motivant, passionnant, gratifiant, magique. C'est quand cela devient banal ou amusant, que ça commence à être dangereux !
C'est toujours d'une actualité brûlante.

Les événements que sont le tour ULM, le salon de Blois ou les compétitions, sont de grandes réussites, à l'ombre desquelles sont réalisées un très grand nombre d'heures de vol par les pratiquants plus anonymes. Ce n'est plus un secret pour personne, les pilotes d'ULM sont probablement les acteurs de l'aviation de loisir qui volent le plus. Les ULMistes savent donc être talentueux, mais face à la majorité des accidents que l'on relève, on arrive à se demander si parfois, nous n'avons pas un peu tendance à oublier les bases fondamentales de notre sécurité?
C'est d'autant plus dommage que, comme d'habitude, quelques événements dramatiques et statistiquement peu représentatifs, suffisent à occulter les progrès réalisés.
Le moins que l'on puisse dire en effet, est que ces derniers mois auront été particulièrement préoccupants quant à la sécurité. Plusieurs de nos camarades sont morts dans l'exercice de leur passion, entraînant parfois avec eux, des gens qui se faisaient une joie de découvrir le vol ou, ce qui est encore pire si c'est possible, qui s'étaient juste « laissé convaincre » de voler.

Le Bureau Enquêtes et Analyses de l'Aviation Civile a considérablement réduit le nombre d'études techniques des accidents d'ULM. L'une des raisons avancées est que dans la grande majorité des cas, les enquêtes n'apportent pas d'enseignement nouveau car leurs conclusions peuvent simplement se résumer à recommander une fois de plus de suivre les prescriptions du mémento sécurité édité par la FFPLUM.

Qu'il s'agisse d'accidents graves ou de simples incidents, il apparaît qu'ils résultent en effet majoritairement du franchissement d'une limite par le pilote, bien souvent en connaissance de causes.

Ce phénomène peut probablement être analysé comme un effet pervers du dynamisme actuel du mouvement ULM. En effet, le pilotage est porteur de passion. Alors si l'on n'y prend garde, on se laisse facilement gagner par une forme de fougue et d'enthousiasme aveugle. Deux sentiments peuvent apparaître, tout aussi dangereux l'un que l'autre :
-    Emporté par sa passion, encouragé par une routine bien maîtrisée, le pilote banalise le fait de voler. Il finit par aller piloter dans un état d'esprit proche de celui du gamin qui fait le tour du pâté de maison avec son scooter, c'est-à-dire à peu près sans préparation sérieuse.
-    Enthousiaste et expérimenté, le pratiquant développe un sentiment d'invulnérabilité qui occulte la prudence. Il est conscient des procédures qu'il transgresse, mais reste convaincu plus ou moins aveuglément qu'il peut toujours s'en tirer.

La recrudescence d'accidents que nous observons est donc grande partie d'origine manifestement comportementale. Cela peut laisser dubitatif, mais comment expliquer autrement ce que l'on observe, face à la grossièreté de certaines erreurs commises et à l'expérience plutôt élevée des pilotes qui en ont été victimes?
Que dire des pertes de contrôle par beau temps en final et lors de décollages, sans problème mécanique avérée, tout cela parce que ces manœuvres ont été réalisées par distraction à contre QFU avec des composantes de vent arrière proches de la vitesse de rotation ?
De même lorsqu'un pilote victime d'un arrêt moteur au décollage sur panne sèche, reconnaît avoir laissé le robinet d'essence fermé, on doit s'interroger sur l'exécution de ces indispensables visite avant vol et check lists.
On relève en outre nombre d'évolutions trop près du sol. Plusieurs machines accidentées sont entrées en collision avec un obstacle. D'autres sont suspectées d'être sorties de leur domaine de vol dans les turbulences, surpris par une aérologie un peu limite, et à une hauteur trop basse pour que le déploiement du parachute soit vraiment efficace.

Evitons bien sûr de donner prise à une sorte de psychose de la loi des séries, sans quoi, paralysé par le principe de précaution, un jour plus personne ne pourra voler. Mais il faut avoir à cœur de toujours le faire en sécurité.
Contrairement aux autres formes de loisir aérien, notre activité n'est pas systématiquement pratiquée au sein d'une organisation encadrée en club. Il y a en effet beaucoup de pilotes que l'on peut qualifier d'isolés parce qu'ils sont propriétaires de leur machine. Ils ne doivent de compte à personne et ne se soumettent pas naturellement à la surveillance d'un chef pilote ou d'un instructeur. Ils laissent donc leur pratique dériver et oublient un peu les procédures d'urgence et les comportements dangereux à éviter. Il faut en permanence avoir conscience que voler ne peut être une activité anodine pour laquelle on peut confondre passion raisonnée et enthousiasme aveugle. Or, la seule attitude compatible avec le vol est un mélange de rigueur, d'attention et de modestie.

Il y a bien sur plusieurs limites, celles de la réglementation, celles qui nous sont dictées par les lois de la physique, et les limites propres à chaque pilote.
Si chercher à repousser ses propres limites en accroissant ses compétences et son expérience peut être encouragé lorsque c'est fait de manière encadrée et avec rigueur, se laisser entraîner à violer la réglementation, vouloir atteindre et dépasser ses limites, celles du bon sens et celles de son appareil, ne sont pas des comportements acceptables.

Nous devons prendre conscience du fait que nous devons notre réglementation ULM au fait que les autorités de l'Etat ont fait le postulat, «à priori», que les pilotes d'ULM étaient capables de faire preuve de sens des responsabilités...sans forcement un encadrement réglementaire et étatique trop contraignant et étouffant.
Faisons ensemble en sorte qu'elles continuent à le penser. Cet état d'esprit ne pourra cependant perdurer qu'à la seule condition que la courbe s'inverse,

Fédération Française d'ULM
Thierry COUDERC
Président de la commission sécurité et analyse des accidents.

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